andata . ritorno    laboratoire d'art contemporain

Orlan

 

Tribune de Genève, mardi 27 septembre 1983

Les turbulences d’Orlan

Le Festival du Bois de la Bâtie finit dimanche dans le parc des Bastions par une « performance » de cette experte ne provocation

  Origine : France. Activité : artiste multimédias. Sexe : impossible. Parfum : laque de Côme. Yeux : ascendants. Chevelure : air de clavecin. Signe particulier : mégalomanie magique.

  La galerie Andata - Ritorno et le Festival du Bois de la Bâtie présentent Orlan, en performance dimanche (quelle idée) 2 octobre, à 20 h. 30, au parc des Bastions dans le cadre de la fête de clôture du festival. Musiciens : Pete Ernrooth, Christian Graf, Claude Jordan, Pierre Losio, Claude Tabarini, Véronique Carrot, Pierre - Alain Bidaud, Edouard Chapot, Yves Massy, Florian Schmocker. Technique : Michel Boillet.

Une iconographie baroque

  Après des baisers insensés pour un public de méduses, des kilomètres d’elle-même entrelardés de pages d’histoire, le pubis rasé d’Orlan dans l’exercice bariolé d’une anamorphose absolue, a jeté un léger froid et soulevé une lame de fond folle dans les arts « plastiquables ».

  Orlan est belle. Non ! Pire que cela. Orlan détourne le destin des femmes comme Gauguin les vahinés. Bien sûr les médias se sont emparés des actions et des performances « provoc’ » d’Orlan.

Orlan se sert de l’iconographie baroque, de madones à la fois érotisées et extatiques qui apparaissent dans l’histoire comme le fantasme des fantasmes, premières pin-up d’une imagerie d’ecclésiastes, glacées et pulpeuses, cadrées dans la fixité des halos. Tout cela sur fond ascensionnel d’angelots musiciens, de coups d’aile en volutes imbibées d’odeurs allumantes. Les feux de Bengale au fond des églises parsemées de chérubins, ici visités par la succube contemporaine.

Double sens

  Orlan préfère les doubles sens aux polysémies, c’est-à-dire la tension directionnelle de l’humour, celle qui opère et trouble les sens par les sens. L’image réunie en une, où isolée de la mère, la courtisane et la vierge, hante les orchestrations d’Orlan, fac-similé de ses obsessions rompues au narcissisme. Mais pas de schizophrénie entre l’ancien et le nouveau, le rock et le  baroque, le rayon – laser et les glacis au poil de martre. D’ailleurs rares sont les artistes qui refondent un maniérisme à partir d’emprunts aussi catégoriques.

  L’imaginaire d’Orlan, livré parfois sous forme de panoplie, dépasse les logiques de l’imagerie et des codes baroques.

  Pourtant Orlan tient à la distance, à la froideur des images, au laqué des cosmétiques qui ne différent en rien de ceux de Fouquet, des déformations de Pontormo, et de la maniaquerie de Bronzino. Si les signes demeurent parallèles à leurs objets, ils subissent la contrainte d’une focale, déformante ou non, déviante toujours, réglée sur le grain de la peau d’un spectacle et sur celui d’Orlan.

  Le goût du pseudo, du « contrefactuel », les mélanges d’éléments autobiographiques refondus dans les précipices du Bernin, donnent cet éclat particulièrement tubéreux et incisif aux mensonges imminents qui s’avèrent plus vrais que le vrai en restant aussi faux que toute la peinture. Ils vont même carrément jusqu’à engloutir une part de l’ironie et de la dérision qu’on pensait tenir. N’allez pas y voir une inclination pour le kitsch.

  Orlan inaugure sainte Orlan et dégage une forte odeur de crypte captée par vidéo. La tendance aux bénédictions est une manipulation douteuse d’elle – même. Orlan n’a de cesse que quand la représentation devient l’état incalculable de ses souffles.

Patrick WEIDMANN

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