andata.ritorno  laboratoire d'art contemporain 

 

Gilles Porret
Philippines Colors 

Vernissage jeudi 15 juin 2023 dès 18h 

Présence de l'artiste les jeudis et samedis

Exposition du 15 juin au 8 juillet 2023
du mercredi au samedi de 14h à 18h ou sur rendez-vous (+41 78 882 84 39)

 

 

Chaque matin, j’ai le sentiment de voir par ma fenêtre l’embrasement du monde, fragile, inégal et violent, Un coup de poing en pleine gueule.                                                                           Gilles Porret, Samar du Nord, mars 2023 

Efinizia Morante (EM) : Suite à notre rencontre à ArtGenève 2023 sur le stand « Hommage à la Galerie Rivolta » où nous présentions deux de tes anciennes pièces, tu m’as proposé d’aborder ton nouveau travail sous le format d’un échange pour accompagner ta prochaine exposition chez Joseph Farine à Andata.Ritorno. Cela t’a semblé essentiel pour présenter tes nouvelles œuvres. Quelles en sont les motivations ? 

Gilles Porret (GP) : En effet, la forme du dialogue me semble adéquate et nécessaire pour contextualiser mes derniers travaux créés aux Philippines. En 2019, je me trouve sur l’île de Samar. Je vis à Calbayog City dans un appartement peu confortable, coincé entre une station service et un dépôt de marchandises. Je n’ai pas d’atelier et me trouve dans cet appartement avec des problèmes d’eau et une forte pollution environnante. Ce dépôt accueille des camions jour et nuit 24H sur 24H, un vrombissement de fumée noire rugit de leurs moteurs. Je suis souvent malade, c’est difficile. Il fait très chaud et l’adaptation au climat n’est pas si facile, mais je résiste et je serre les poings. Je sens très fortement le besoin de m’exprimer. 

Dans un premier temps, j’installe mon atelier sur le petit balcon de cet appartement, seul endroit où j’ai l’impression que l’air chaud évacue un peu la pollution. Durant plus d’une année je dessine sur ce balcon, sur des feuilles de 40 x 30 centimètres et dans un petit bloc de 500 feuilles fines de papier trouvés dans une épicerie. J’intitule ce bloc Kikibaranaka qui veut dire en langue Waray, trop inquiet, état dans lequel je me trouve à ce moment-là, car je ne sais pas vraiment où m’installer. Je veux à tout prix partir de ce lieu pour pouvoir retravailler dans de meilleures conditions. 

Aujourd’hui, avec le recul, je trouve ce mot Kikibaranaka très fort tant dans sa sonorité que dans son lien avec l'actualité. Ce cahier de petite taille est idéal pour dessiner. Il est malléable et transportable dans toutes les situations. Je dessine mes impressions au quotidien. 

Ce quotidien que je partage avec ma compagne Letecia qui m’entoure et me soutient. Un jour, nous visitons le nord de Samar et j’y découvre une région magnifique au bord de l’océan, proche de la petite ville de Catarman. Un endroit qui me semble particulièrement agréable pour y vivre. Nous avons trouvé notre lieu de vie. Nous construisons une petite maison et nous nous y installons. Je continue à dessiner et je reprends la peinture.

 EM : Gilles, te revoilà à Genève avec l’exposition intitulée Philippines Colors, un retour émouvant pour toi. Cela fera plaisir aux amateurs genevois qui ont suivi ton travail durant de nombreuses années. 

GP : Oui cela signifie beaucoup pour moi, j'ai fait mes études d'art à Genève et c’est ici que j’ai réalisé une partie de mon parcours artistique. Montrer ce nouvel ensemble d’œuvres à Andata.Ritorno me fait particulièrement plaisir, car elle a été la galerie de ma première exposition en 1987. 

EM : Le choix du dessin et les sujets qui habitent les œuvres Philippines Colors, nous renvoient à quelque chose d’immédiat, saisi sur l’instant. Quel est le point de départ de ces œuvres ? 

GP : Ma vie aux Philippines est la source de mes nouveaux travaux. J’ai la sensation étrange d'être projeté dans une autre lecture de ma vie. Terre d’accueil de toutes les beautés et anarchies, c’est un pays d’émotions puissantes et stimulantes pour mes recherches. Dans cette série, j’ai recours au travail sur papier avec les crayons de couleur. Dans une économie de moyens, avec des gestes minimaux, contrôlés, construits – à la manière néo-géo qui caractérise mon travail – j’ai l’impression d’être en connexion avec le monde. Ces dessins m’ont libéré. J’ai réouvert des portes dans mon vocabulaire formel en me rapprochant de l’essentiel. 

EM : Dans les œuvres présentes chez Andata.Ritorno, les titres de tes dessins revêtent une place importante. Viennent-ils à toi avant ou après leurs réalisations ? 

GP : Il n’y a pas vraiment de règle, cela dépend de l’événement qui vient à moi. Le titre peut s'imposer directement comme une fulgurance avant sa réalisation ou alors un fois le dessin terminé. Ce sont des flashs, des évidences qui se présentent à moi. Des titres-phrases, des titres-mots surgissent. L’énergie déployée par mes dessins porte la parole du titre et inversement. 

EM : La couleur a toujours été le Leitmotiv de ton travail. On la retrouve, mais de manière plus économe, avec les trois couleurs primaires, le noir et le gris. Peux-tu nous expliquer ces choix ? 

GP : La couleur est certes toujours présente, mais son usage a évolué dans quelque chose de moins conceptuel. Elle s’est déplacée vers des questionnements plus en phase avec ma réalité. Elles annoncent que le noir est noir et que le jaune et le bleu donnent plutôt rouge et que les Certitudes du monde, 1 d'un monde moins violent est loin derrière moi. Quant au gris, je l’utilise pour écrire les légendes. Je me suis imposé une charte de départ avec l’utilisation, avant tout, des trois couleurs primaires.

EM : Tu insistes sur le lien entre tes œuvres et la situation du monde actuel, en parallèle avec le lien entre l’art et la vie. 

GP : Je fais des œuvres qui ont inévitablement des résonances, des échos avec le monde d'aujourd'hui. Je ne peux faire autrement, regarder le monde et croire que tout va bien, c’est divinement impossible. Alors, je m’en inspire avec ce que je trouve sur mon chemin. 

EM : Tes réflexions qui émergent de cet échange, me rappellent la phrase du journaliste Laurent Delaloye2: Gilles Porret nous revient enfin avec des déclinaisons colorées sur fond de vérités. 

GP : Merci de citer cette phrase qui m’a effectivement semblée pertinente. J’ai présenté pour la première fois, en hiver dernier, trois dessins de la série Philippines Colors. Ce journaliste a bien cerné mon travail actuel que je pourrais définir ainsi : 

Je parcours les couleurs dans une abstraction vue essentiellement dans le réalisme des lumières du monde d’aujourd’hui... 

Efinizia Morante, Genève – Gilles Porret, Catarman, mai 2023

 

1) Certitudes du monde Dessin dans l’exposition

2  Pige parue dans le journal 24 heures le jeudi 16 mars 2023 pour l’exposition collective de la galerie Aarlo u Viggo de Buchillon, Switzerland. 

 

 


Avec le soutien du Département de la culture de la Ville de Genève

 

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