andata . ritorno    laboratoire d'art contemporain

Jean Beguin

Le Courrier,  21/04/1984

Les calques de Jean Béguin

Convié au « Safari de Noé », le visiteur se sent perplexe. Il hésite un peu avant d’accepter de se convertir en chasseur de rêves et de s’engager avec délices sur le sentier d’un monde qui possède la liberté parfois cruelle de l’enfance. Armes et appâts y jouent pleinement leur double sens, les niveaux de réalité se catapultent, les associations d’idées fusent, suscitées par un fil narratif d’une ludique cohérence. Tout devient alors possible, qu’il s’agisse de piéger le crabe à ressort dans un cratère lunaire, de chasser l’éléphant jouet muni d’une carabine en bois et de flèches en caoutchouc, de pêcher la pieuvre magnétique en tournant le dos comme pour ne pas trop en voir ou de domestiquer la trajectoire de l’oiseau.

Comme en témoignent les maquettes assorties de dessins exposés dans l’entrée, Jean Béguin reprend ici, en les accompagnant de quelques dérives, trois installations réalisées antérieurement et qui mêlaient à tout un bestiaire enfantin à la fois fantastique et réaliste de savants mécanismes associés à la diffusion d’images fixes ou au déroulement de films. Le travail actuel transpose sur la surface plane du mur ces scènes de chasse associant l’origine et la fin du monde. Il utilise comme base le papier calque, matériau qui offre par sa nature même un rappel des projections utilisées précédemment.

Dans un style simple et appliqué qui n’est pas sans évoquer certains travaux de copie ou de décalque auxquels se livrent volontiers les enfants, Jean Béguin y a reproduit et peint des personnages plus grands que nature (un explorateur à la chemise mappemonde, un rabatteur vêtu de blanc ou un étrange chimiste - infirmier recueillant quelques gouttes tombant du plafond), des animaux, des accessoires, seuls ou pris dans une sorte de mise en scène. L’espace de papier neutre laissé entre l’image et sa découpe souligne une première mise à distance et annonce le décrochement progressif qui va s’opérer par rapport à la paroi. Des objets, notamment des jouets, viennent cohabiter peu à peu avec les figures peintes, opérant une sorte de renversement de l’espace. Les correspondances qui s’établissent entre eux se révèlent finalement aléatoires et trompeuses comme dans cette scène intitulée « Du choix des appâts » où le pêcheur de papier tourne le dos à une authentique canne à pêche qui, montée sur un mécanisme, devient autonome et permet de faire monter et descendre une pieuvre dans du bois bleu.

Cette chasse panoramique qui débutait sous forme de fresque déborde pour devenir confrontation de mondes d’échelles différentes liées par la magie du possible, du rêve et des fantasmes. L’enfance et son imagerie pas toujours innocente revisitée avec humour par le discours (théorique) de l’adulte.

 M.I.D.

Galerie Andata/Ritorno,

 37 rue du Stand, jusqu’au 28 avril

 

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