Douglas Beer

andata . ritorno laboratoire d'art contemporain

Douglas Beer

«Sculptures - objets»

Tribune de Genève, janvier 1986

Les boomerangs de Douglas Beer

La démarche de Douglas Beer surprend par sa faculté d’évoluer, de se renouveler, de tirer d’imprévisibles implications des données préalablement posées dans les travaux antérieurs. Elle reste toutefois fidèle à une sorte d’esthétique commune. Un langage plastique fait de complicités et de tensions entre des courbes sensuelles, des replis ou des renflements aux réminiscences organiques et des formes purement géométriques aux arêtes nettes et tranchantes.

Les précédentes sculptures de bois et de polyester polychromes paraissaient reposer sur certaines confrontations dynamiques. Les masses s’engloutissaient ou au contraire poussaient les unes dans les autres, les pièces s’élançaient dans le vide au gré de fragiles équilibres.

Polygones irréguliers

Une ébauche de mouvement qui disparaît dans les œuvres récentes exposées à la Galerie Andata/Ritorno. Les volumes pleins et libres font place à des reliefs muraux plus statiques où s’imbriquent, se superposent et s’affrontent des figures aux contours stricts rappelant le vocabulaire constructiviste. Tout un répertoire de formes rigoureuses allant de simples cercles, triangles, rectangles ou trapèzes à leur multiples combinaisons en polygones irréguliers.

Ces assemblages de contre-plaqué peint évoquent de petites architectures abstraites explorant différents types de rapports entre plans, formes et couleurs. Se limitant autrefois à des camaïeux de nuances pastel ou à des accords de coloris un peu kitsch, Douglas Beer élargit sa palette à des rouges vifs, des bleus roi ou des verts pomme.

Entre le mou et le dur

La couleur intervient diversement. Deux teintes proches peuvent accompagner en douceur le glissement d’une surface à une autre ou, heurtées, souligner une rupture, une interruption brusque, une cassure de rythme. La couleur permet aussi de jouer de l’ambiguïté entre plan et volume, renforçant une perspective en trompe-l’œil ou atténuant, par son uniformité, les aspérités d’un véritable relief.

De sorte que l’on éprouve parfois le besoin de vérifier par le toucher la justesse de ses impressions visuelles.

D’autant plus que Douglas Beer introduit dans ses structures lisses et tendues des éléments de nature différente par la texture comme par l’appartenance formelle. Des figures plus libres et plus fluides, des sortes d’oreilles, de demi-lunes ou de boomerangs que vient arrondir un léger rembourrage recouvert de toile peinte.

L’ancienne opposition entre formes organiques et géométriques subsiste, mais s’enrichit et se précise à travers le contraste entre le mou et le dur.

(Jusqu’au 18 janvier 1986)

M.D.

Douglas Beer