andata • rıtorno
laboratoire d'art contemporain
BRIGITTE CRITTIN
« Poèmes découpés »
Exposition
du 19 mars au 25 avril 2009
La poésie est un travail de l’ombre
qui cherche la lumière
Daniel Pommereulle, artiste fabricant d’incandescence nous avait prévenu :
« il
n’y a pas d’ombre dans les grands rassemblements ». La multitude
stigmatise, neutralise, lamine la richesse individuelle dans l’aplat. La
graphie de l’ombre, elle, ne peut fonctionner que dans le registre de la
nuance. Le moindre indice de modification de la source lumineuse est vecteur de
différence, infime, délicate, parcimonieuse, toujours à la frontière du visible
et impalpable dans sa perméabilité aux vicissitudes de l’instant « comme
un mendiant sous l’anathème, comme l’ombre qui perd son temps à dessiner son
théorème ».1)
Les mécanismes du domaine de l’ombre
sont les alliés de la fragilité des fleurs, celles-ci vivent dans la splendeur
de leurs couleurs qui n’a d’égal que la fatalité de leur éphémérité.
Le monde des ombres est celui de la dépendance asservie à la lumière, il est la
métaphore même de la sensibilité aux choses et aux êtres dans son lexique fait
de subtilités infinitésimales et mouvantes.
Avec les « poèmes
découpés » de Brigitte Crittin, le verbe ne se
fait pas seulement membrane et chair, il est passé au scalpel puis épinglé dans
un dispositif de dédoublement. Le poème gagne son aura dans le théâtre de son double, avec finesse comme
pour nous désigner que l’enjeu essentiel de l’écriture sera toujours crypté et
que l’image proposée n’est qu’une invitation à aller voir ailleurs, derrière le
rideau des signes. Face à ce travail dans la matière de l’écrit, Erri de Luca nous dit : « Ma tête qui pétrit
sans cesse des mots imagine que ce noir sur blanc de mes mains est une
écriture : que les choses qui m’entourent écrivent sur moi et sur tous les
autres, mais personne ne sait plus lire le courrier qui nous tombe dessus, les
gouttes de pluie sur un carreau par exemple ».
Face à face, dans le travail de la
pensée, se construit la matérialité du mot qui peut-être deviendra poésie,
- ombre portée, ombre projetée, ombre
absolue, ombre au flambeau, ombre solaire. Dans un crime de lèse majesté toujours
à réinventer, la poésie est une entreprise de l’ombre qui cherche la lumière.
Joseph Farine - Février 2009
1)
Léo Ferré ( La mémoire et la mer )