Andata . Ritorno    laboratoire d'art contemporain

Anne Sauser-Hall

«Sculptures - installations»

Le Courrier, 15 juin 1985

EXPOSITION

Les « images » d’Anne Sauser - Hall

Le principe de la citrouille et du carrosse

Les sculptures d’Anne Sauser - Hall fonctionnent par le seul rapprochement d’un objet et d’un matériau. Des jouets, de vieux objets miniatures pour enfants sont simplement accompagnés, entourés ou remplis de matériaux bruts (charbon, pierre, bois), ces assemblages rudimentaires créant à eux seuls des « images » : d’une locomotive débordent de gigantesques morceaux de charbon, sur une luge se dresse la silhouette d’un couple fait des planches mêmes de l’engin, d’un chalet émerge une avalanche de cailloux.

Anne Sauser – Hall se réfère au conte germanique. Elle lui emprunte ses motifs « nordiques » (sapins, lugeurs, patins) et surtout ses mécanismes : métamorphoses d’objets, inventions de situations élémentaires (ses sculptures ne sont jamais des fantaisies débridées, surréalistes : les rapprochements, simples et rarement arbitraires, correspondent le plus souvent à des associations également possibles pour l’esprit).

À l’image de ses contes, ses œuvres mêlent un innocent attirail de culture enfantine (des pantoufles, des maquettes de trains) à des aspects plus crus du monde. Le charbon, par exemple, est fréquemment utilisé pour venir replonger cet univers naïf, léger et domestique dans la nature brute, dans de rudes archétypes d’un monde pas encore dégrossi. En retour, ce même charbon, lorsqu’il enveloppe, par exemple, les pantoufles de vair de Cendrillon, paraît devenir, dans la confrontation, encore plus noir, sale, antimerveilleux, encore plus « charbon » et finalement, en un seul objet, c’est tout à la fois d’adorables petits souliers et un repoussant amas noir que l’on donne à voir au spectateur. Ce principe (c’est, grosso modo, celui de « la citrouille et du carrosse ») se répète ailleurs, par exemple dans le charmant couple démodé qui se révèle aussi, dans un même corps, un simple jeu de planches de luge. 

L’ »art pauvre »

Anne Sauser – Hall fait partie de cette génération de sculpteurs dont les références immédiates se trouvent dans les années 70, dans l’ »art pauvre » en particulier.

Ils y recueillent, en laissant tomber les contenus politiques et idéologiques, cette belle idée que l’on peut redonner aux choses les plus simples un sens fondamental, retrouver en elles le souffle qui devrait être inscrit dans leur essence, bref, faire beaucoup avec peu. Aujourd’hui, cet idéal prend, c’est le cas chez Sauser – Hall, des tours plus ludiques, plus poétiques, c’est-à-dire aussi plus gratuits ; il est mis au services d’œuvres plus immédiatement expressives, plaisantes et souvent, comme ici, figuratives.

Olivier Lugon

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Andata /Ritorno, prolongation jusqu’au 29 juin 

Tribune de Genève, 24 mai 1985

À la Galerie Andata / Ritorno

Tremplins pour l’imaginaire

On pourrait se croire dans le magasin d’accessoires et de décors de quelque théâtre pour enfants : les escarpins de « Cendrillon » des larmes de patin (« Lac gelé »), des chalets et des locomotives miniatures, mais aussi la silhouette d’un couple de grands personnages, la découpe d’un animal accrochée au plafond (« Martre ») ou un fragment de paysage (« Nuit noire »). Autant d’éléments suggestifs et susceptibles de servir de tremplin à l’imaginaire, d’offrir une trame à de multiples histoires possibles.

Anne Sauser – Hall ne se contente pas d’accumuler et de mettre en rapport des objets préexistants. Elle les remodèle, les masque, les bourre, les écrase ou les « marquète » de charbon et de cailloux. Comme dans une mise en scène astucieuse, le matériau de certains objets sert de module pour en fabriquer d’autres. Ainsi en va-t-il des personnages debout sur une luge et réalisés à partir de tronçons de luge ou des sapins faits de piquets peints en noir et bordés d’une vraie clôture.

L’épouvante, le magique et le merveilleux

Cela dit, on ne sait pas très bien où ces travaux veulent en venir. Ils participent en effet des multiples propos et réflexions sur l’art d’aujourd’hui (remise en question des formes traditionnelles de la sculpture, emploi de matériaux dits pauvres), mais sans opérer certains choix et tirer les conséquences d’une problématique spécifique. Cette exposition fait penser aux labyrinthes dessinés offerts par les pages récréatives de magazines. On croit détenir une piste, elle ne mène nulle part. On en choisit d’autres qui aboutissent à la même impasse. Finalement, on en arrive à se demander s’il existe un véritable fil conducteur entre ces différentes sculptures - objets, mis à part une atmosphère de conte mêlant l’épouvante, le magique et le merveilleux.

M.D.

Galerie Andata/Ritorno, 37, rue du Stand, jusqu’au 1 juin

 

Anne Sauser Hall

" Chute de neige ", lit et anthracite, 100 x 50cm, 1985

 

 

Anne Sauser Hall

" Nuit noire ", bois, 220 x 200cm, 1985

 

 

Anne Sauser Hall

Sans titre, locomotive et anthracite, 220 x 200cm, 1985

 

 

Anne Sauser Hall

" Lac gelé ", Patins à glace et cailloux, 1985

 

 

Anne Sauser Hall

Sans titre, berceau et cailloux, 1985

 

 

Anne Sauser Hall

Sans titre, luge et cailloux, 1985

 

 

Anne Sauser Hall

Sans titre, cage et anthracite, 120 x 80cm, 1986

 

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