andata . ritorno    laboratoire d'art contemporain

Jean-Philippe Boillat

« Freeze frame pictures peintures 1997 »

Entretien

  A mes yeux vos images ont un caractère énigmatique. Quelles sont vos sources d’inspiration ?

  La seule chose qui m’importe est ce qui soutient l’existence de toute chose, ce rien d’avant les formes, quel que soit le nom qu’on lui donne : espace, vide, rien, éternité, silence, Dieu ou je-ne-sais-quoi. C’est un espace intime, intérieur, contenant tout. C’est l’énigme de la vie et je n’ai d’autre solution que de la vivre. Je peins comme si je recueillais les images d’un voyage ; elles sont imprécises, délicates, imparfaites, ponctuelles et partielles.

  D’où le titre de cette série « freeze frame pictures » -en français arrêt sur images ?

  Oui. Chaque image n’est qu’une partie du tout qui est au-delà de toutes représentations. La composition de deux ou plusieurs tableaux met l’accent sur la discontinuité et l’autonomie fondamentale de chaque image ou de chaque instant. La continuité, ou le mouvement, est une illusion créée par la lenteur de mon cerveau, qui échoue à voir l’espace entre chaque image. Dans mes peintures antérieures, je voulais créer les liens, créer l’unité, d’abord physiquement (assemblage ou collage des différentes parties) puis symboliquement (faux cadre et accentuation du centre). Cette série « freeze frame pictures » est une histoire de parties et de tout. La perception de l’espace crée l’unité. C’est une grande énigme pour le cerveau humain, qui cherche toujours à comprendre mentalement (d’une manière linéaire et discursive) ce que les mystiques ont exprimé par « Je suis Un » ou par « Je suis Tout ». Je ne prétend pas à cela. Je tente seulement de déjouer le mécanisme mental qui veut donner un sens, une continuité, à tout ce que je perçois, moi qui préfère être dans la sensation plutôt que dans l’interprétation.

  Vos peintures semblent être des photos prises sans focus, des agrandissements, des détails microscopiques, ou des repiquages d’images vidéo. Quelles relations faites-vous entre la photographie et la peinture ?

  L’image photographique ou vidéo est une référence qui prend de plus en plus la place de la réalité (qui a vu les pyramides, les chutes du Niagara, la guerre du Golfe ou Le Paradis de Bosch de ses propres yeux ?). L’aspect photographique confère à mes peintures une aura de réalité et interpelle le regard afin qu’il appréhende la substantialité de l’espace, sa granulosité, ou ce que je nomme parfois sa trame.

J’invite à voir l’écran plutôt que l’image.

  Pourquoi des images noir/blanc ?

  C’est un contrepoint à ce que je disais tout à l’heure de la réalité. L’image noir/blanc est un archétype de l’abstraction ; elle ne retient que certaines valeur de l’image ; elle s’apparente au rêve, et au-delà, au mythe de la création et de la vie. Le noir représente pour moi ce vide ou cet espace hors existence, ce tout d’avant les formes.

  J’ai laissé les images naître dans le noir, une à une, pour elles-mêmes. Elles sont à la fois insignifiantes et essentielles. J’avais toujours pensé que, parce que je faisais de la peinture dite abstraite, j’échappais aux images. Mais toute chose visible est une image. L’image n’est qu’une apparition, une apparence, une projection sur l’écran de ma vision ; cependant sans les images il n’y a rien - à voir. L’image fonctionne comme un appât pour le regard et il arrive parfois que je me surprenne alors à regarder autre chose que l’image. Je crois que cela a toujours été la fonction de la peinture, de faire pénétrer celui qui regarde dans l’immatériel.

 

 

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