Robert Filliou

HISTOIRE CHUCHOTEE DE L'ART 

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chuchoté: tout a commencé un 17 janvier, il y a un million d'années.
un homme s'empara d'une éponge et la plongea dans un seau d'eau.
le nom de cet homme n'est pas important.
il est mort, mais l'art est vivant.
pas besoin de noms dans cette histoire.
je disais donc qu'un 17 janvier, vers 10 heures du matin, il y a un million d'années, un homme était assis, seul, près d'un ruisseau.
où les ruisseaux courent-ils, se dit-il, et pourquoi?
pourquoi les ruisseaux courent-ils?
ou pourquoi courent-ils là où ils courent?
ce genre de choses.
personnellement, un jour, j'ai observé un boulanger au travail.
puis un forgeron et un cordonnier.
au travail.
et j'ai remarqué que l'emploi de l'eau était essentiel dans leur travail.
mais ce que j'ai remarqué n'est peut-être pas important.

voix normale: de toute façon, du 17 on passe au 18
puis au 19, puis au 20,
au 21, au 22, au 23, au 24, au 25, au 26, au 27, au 28, au 29, au 30, au 31.
janvier.
ainsi, passe le temps.

andata . ritorno    laboratoire d'art contemporain 

17 janvier – Anniversaire de l’art

HOMMAGE A ROBERT  FILLIOU

C’est par le très beau livre de Pierre Tilman, poète et ami, sur Robert Filliou, publié par Michel Giroud, ouvrage qui me reste comme une de mes lectures phare de l’année 2008, que j’ai pris connaissance de l’événement que Filliou mis sur pied à Aix-la-Chapelle le 17 janvier 1973. « Ce jour-là, dans cette ville, tout est férié pour la fête de l’art. Les gens ne travaillent pas. Les magasins, les écoles, les usines sont fermés. Toutes les œuvres du musée sont décrochées ». « Surtout pas d’art sur les murs » a demandé Filliou. L’art dans ce geste est ainsi renvoyé à un statut de perception de la vie même pour tout un chacun. Robert Filliou, dans ce sens, est certainement le plus rimbaldiste  des artistes du mouvement Fluxus par son parti pris délibéré de refuser de scinder l’art et la vie, lui qui affirmait «j’ai choisi la carrière artistique  parce que je ne veux pas avoir raison. »

 

A l’heure où l’économie néocapitaliste s’enlise dans son marasme, à l’heure  où l’institution artistique consacre le nihilisme de pacotille de Versailles à Londres et Genève, à l’heure où l’enseignement artistique  se soumet majoritairement à l’utilitarisme du design et que l’enjeu n’est plus d’apprendre à créer mais d’apprendre à grimper… La pensée de Robert Filliou est exemplaire d’exigence essentielle de ce que l’art peut nous apporter en refusant les stratégies de reconnaissance qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé  et les aliénations aux mécanismes du marché auxquelles se soumettent de très nombreux artistes.

 

Il se fait que par un hasard de programmation, les « Art circle » de Renée Furrer ayant pour thème des vues panoramiques du Ladack correspondent  à cette époque de l’Anniversaire de l’art choisi par Robert Filliou. La trajectoire existentielle singulière de  celui-ci est passée par des études d’économie aux Etats-Unis dans sa jeunesse. Puis il a consacré sa vie a faire de celle-ci une œuvre d’art dont l’aboutissement a été les dernières années passées au Centre d’études tibétaines de Chanteloube en Dordogne où il est mort en 1987.

 

Dans ma position clarifiée de montreur d’art et non pas de vendeur d’art, il m’importait aujourd’hui pour lui rendre hommage, de rompre le temps d’un signe discret (« le fait d’exposer est de l’anti-art » disait Filliou), le silence du créateur clandestin que je suis.

                                                                                                            Joseph Farine

                                                                                                            Janvier 2009

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