andata.ritorno  laboratoire d'art contemporain



Charlotte Schaer

Espaces témoins

Vernissage jeudi 3 septembre 2020 de 11h à 21h
dans le cadre des Vernissages communs du Quartier des Bains

Exposition du 3 au 26 septembre 2020
du mercredi au samedi de 14h à 18h

Finissage samedi 26 septembre à 17h


CSchaerPhotographie, 1895 – 1913, Centre d’iconographie de la Bibiothèque de Genève

Il existe des situations où le lieu donné influe sur le lieu projeté. Le bâtiment de l’usine Balland, où se situe actuellement la galerie et espace d’art Andata Ritorno, est construit en 1885 par les frères Dériaz. Construction industrielle, l’usine est pensée comme lieu moderne et modulable, avec de larges espaces principalement segmentés par des colonnettes. Cet édifice se lit donc comme une grande structure vivante appelant à être modifiée selon les usages.

Le travail d’archive et la compilation d’informations historiques, urbanistiques et architecturales constituent le terreau sur lequel est bâti Espaces témoins. La masse d’informations récoltée permet de jalonner les différentes étapes de construction du bâtiment. Ce sont précisément ces traces, souvent seulement visibles sur les anciens plans de construction, qui sont mises en confrontation avec l’espace actuel.

Ensuite intervient le processus d’isolation des fragments. Parmi les quarante plans trouvés où il est possible de localiser l’espace d’exposition, quatorze sont retenus. Au sein de ceux-ci, des formes sont isolées pour leurs spécificités et leurs particularités graphiques. Ces fragments de plans d’architecture deviennent des artéfacts permettant de créer un dialogue entre les différentes époques du bâtiment. Les éléments choisis sont représentés à la main sur des bâches montées sur châssis.

L’étape finale est celle de la recomposition de l’espace. Sur les surfaces d’exposition, tant les sols que les murs de la galerie, les éléments isolés sont replacés selon leur position indiquée sur les plans. Le dessin, hypothétique, prime ainsi sur l’édifice actuel. Le plan étant une représentation schématique et symbolique de l’espace, le fait de le confronter à l’espace réel de la galerie crée un déséquilibre. Sont réunis au sein du même lieu trois états distincts : le passé, à travers les plans et les archives, ainsi que le présent, qui est l’espace physique actuel de la galerie. Le troisième état est celui de l’artiste, qui par un geste sélectif, permet un dialogue entre les époques à l’aide de ces fenêtres témoins.

Nicola Menoud

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Matière à Jonction

A propos de Espaces témoins de Charlotte Schaer à Andata/Ritorno

Le ciel n'y est pas témoin ni les arbres non plus. Les fleuves, juste avant leur coïncidence bicolore, en sont absents. Pas de musique même si on peut parler de portée, pas de voix, pas de mots. En même temps, l'artiste semble près de s'inspirer d'une poétique des ruines comme, à la veille de la Réévolution, on représentait les monuments de l'Antiquité pour attendre l'avenir. Dans les époque de crise, de transition, on fouille le passé. Probablement parce qu'on est sur le point de perdre pied. Ici, avec Charlotte Schaer, on croit apercevoir David ou Hubert Robert, on se remémore leur goût du tombeau.
Dans le cahier qui accompagne cette installation, comme dans l'ouvrage Il était une fois l'industrie *, ce qui frappe, c'est l'ampleur et la complexité de la métamorphose que le quartier de la Jonction a vécue, de la fin du XIXe siècle à aujourd'hui. Et si on remonte encore au-delà: Hôpital et cimetière des pestiférés, abattoirs, exercice des armes, cultures maraîchères qui profitent de la moraine glacière pousée par le Rhône, explosion en 1909 de l'Usine à gaz, chantier géant des Forces Motrices... La quantité de fabriques, d'usines, d'ateliers construits en si peu d'années, quelle énergie, quelle présence mécanique, quelle densité ! Lavage de l'or, radium, électricité... Tout se met à vibrer, à scintiller, à réverbérer. Avec la maison Balland, bâtiment à l'origine du laboratoire A/R, on assiste à une certaine convocation de l'espace- temps. Puisqu'on y confectionnait des accessoires de montre ! Cette reconstitution d' « espaces témoins » dément en quelque sorte le principe de la relativité ; à moins qu'il s'agisse d'allusion à une mémoire quantique ? On pourrait aussi imaginer que les toiles de Charlotte Schaer, faites de bâches de chantier très tendues sur des châssis, sont comme des pages devenues grises à force d'avoir gommé l'entrelacs de la mémoire vivante – celle des ouvriers.
Macadam Jonction. Au raz du cadastre. Donc pas de nuages, pas de bouillonnement des eaux. Pas de peupliers dont les feuillages frémissants nous berceraient d'illusions. Ce qui importe, c'est que les installations hydrauliques de la maison Kugler, de l'Usine sont maintenant des espaces de création artistique. Ce qui prouverait que l'imagination et le concept sont toujours à l'œuvre.
Un matin, Leibniz s'est levé en se posant la question: « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? » Cette énigme se trouve dans Principes de la nature et de la grâce fondés en raison, 1714. Il ajoute tout de suite : « C'est comme quand dans un centre ou point, tout simple qu'il est, se trouvent une infinité d'angles formés par les lignes qui y concourent. » Charlotte Schaer choisit la géométrie pour rendre intelligible le passé. Nullement un paradoxe. Plutôˆt la manifestation théâtrale d'un phénomène. Est-ce que, dans le tissage de ces toiles, on ne devine pas le canevas cher à Polichinelle, autre figure d'une époque de transition ?
Que cet automne se trouve ou non dans une époque de crise, le laboratoire Andata/Ritorno nous offre régulièrement depuis bientôt quarante ans de quoi réveiller nos amnésies. Les artistes soigneusement sélectionnés, qu'ils se nomment (dans mon panthéon personnel) Carmen Perrin, David Mach, Bill Culbert, Bernard Moninot, Jean-Pierre Brazs, Emmanuelle Michaux, se relaient pour nous tendre le témoin de ce lieu magicien, pour nous aider à« réfléchir ».

* Il était une fois l'industrie. Quelques exemples d'occupation industrielle du territoire : Zurich – Suisse romande. Paysages retravaillés. Sous la direction de Marc.-A. Barblan. Genève, Collection Patrimoine industriel suisse, 1984. 244 pages. Nombreuses illustrations.

 



Marlyse Etter, septembre 2020

Vues de l'exposition

CS1
Vue d’ensemble, 1ère salle, (photo: Juliette Russbach)

CS2
Vue d’ensemble, 1ère salle, (photo: Juliette Russbach)

CS3
Vue d’ensemble, 1ère salle, (photo: Juliette Russbach)

CS4
Coupe, rez-de-chaussée, 2008, (photo: Juliette Russbach)

CS5
Plan de niveau, rez-de-chaussée, env.1990; Plan de niveau, sous-sol, 1999; Plan de niveau, rez-de-chaussée, env.1990, (photo: Juliette Russbach)

CS6
Vue d’ensemble, 2ème salle, (photo: Juliette Russbach)

CS7
Coupe, rez-de-chaussée, 2003; Plan cadastral, sol, 1981, (photo: Juliette Russbach)

CS8
Plan de niveau, sous-sol, 1986; Plan de niveau, toiture, 2000, (photo: Juliette Russbach)


site web de l'artiste

Avec une subvention de la Ville de Genève et un soutien de la Fondation Bea pour Jeunes Artistes.

 

 



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