Se faire connaître n’est rien :
connaître est tout
Ce n’est pas par hasard que le
trapèze ( étrange dénomination géométrique pour un
objet à vocation publicitaire) d’Alain Julliard, planté au beau milieu de la Place Neuve, parallèle à son
exposition à Andata/Ritorno, n’est pas signé. Le dessin de l’éclaireur qui nous
tourne le dos recto verso est une invitation discrète à la curiosité d’en
savoir et voir plus sur les œuvres exposées en galerie, qui elles même
spéculent sur la qualité de l’énigme sémantique. Il n’est pas d’art sans
culture de mystères tant il est vrai que le travail artistique est bien plus le
domaine de questions à soulever que celui des réponses à donner. Que nous
dit-il ce boy scout désuet, fait de graphie blanche sur fond noir comme une
retombée de la ligne claire sur un tableau d’ancienne école, sans doute :
« Toujours prêt ! ». La formule est inévitable dans la parade du
costume en question, mais prêt à quoi ? Lui marchant d’un pas alerte dans
cette ville de Genève où il n’y a pas que sa Rampe qui dort..
Peut-être, paradoxalement dans sa lourdeur, il nous invite à nous interroger
sur le défi incessant que l’on doit mener face à la bêtise et la médiocrité de
tous ordres, afin de tenter d’augmenter
le sens de la communication libre et forte pour mieux se séparer des
êtres lents et assombrissants et mieux nous ouvrir alors à ceux qui font surgir
la parole à un plus haut degré d’incandescence. Il pourrait nous inviter aussi
à convertir les besognes aliénantes de l’intendance de la quotidienneté pour
mettre au grand jour l’urgence de l’intelligence et de la passion. Cela dit, le
personnage semble n’avoir envie ni de recevoir et encore moins de donner de
leçons à personne.
Quant à moi, je fais mienne cette phrase de
Georges Bataille : « Le désespoir intellectuel n’aboutit ni à la
veulerie ni au rêve, mais à la violence. Ainsi, il est hors de question
d’abandonner certaines investigations. Il s’agit seulement de savoir comment on
peut exercer sa rage : si on veut seulement tournoyer comme des fous autour des prisons,
ou bien les renverser. »
La poésie est une perspective de
qualité supérieure de vie, pour mieux communiquer, parler, créer, agir, aimer
et haïr la lâcheté inexcusable et écoeurante de l’acceptation du joug des valeurs monétaires servies comme suprême
étalon d’échange.
Le tonnerre de l’exigence
passionnelle transformatrice doit se faire entendre jusqu’à l’horizon de
l’excès jamais satisfait.
Dehors, comme dedans, tout est à
faire soi-même et sans cesse, dans l’éternité de l’amour toujours à refaire.
Joseph Farine
Mai 2011